mercredi 6 juin 2012

Episode 16 : où il est dur d'être dur

MaPrincesse se réveille rouge et chiffonnée, bouche sèche et visage gravé des coutures du bermuda de MonAîné.

Mauvais départ.
Il était donc heureux que le spectacle qui se dessine devant ses yeux à peine dessillés soit assez burlesque pour que ces premières minutes grincheuses s’effacent derrière le fracas de rires en éclats.

Descendus en fanfarons, virilité inébranlable en bandoulière et épaules qui roulent au rythme des marches descendues, la bande des quatre s’est trouvée toute penaude quelques pas plus tard, quand il s’est agi de parler aux otages.

Un enlèvement, finalement ce n’est pas si dur.
Une décision vite prise, un minimum d’organisation et l’émulation pour doper la détermination et le chemin de la gare à cette cave sarthoise n’était pas si lointain.

Avoir le droit de vie, de mort et toutes choses intermédiaires plus ou moins agréables sur ses enlevés, c’est autrement moins léger.

Les longs débats ne furent pas simples mais la confrontation monte d’un cran l’échelle des complications.
Quelles étaient nos résolutions déjà ?

Sergio en avant cache vaguement les autres derrière lui, notamment Loïck qui déborde de chaque côté du cadre fait par les trois corps en triangle devant

Le temps de se faire un visage ferme et, de trois fortes inspirations, Sergio a déjà pris le parti de se placer en queue de peloton, laissant Erwan et Serge se regarder avant de chercher à se placer l’un derrière l’autre dans un mouvement de sprint groupé inversé.

Un mètre, deux, trois déjà de recul devant un quatuor de spectateurs pris dans le suspens de la drôle de course, à la fois attentifs aux efforts des compétiteurs comme aux difficultés du parcours
Comme cette large poutre, invisible aux sportifs alors que sa taille et sa positions mettront dans un instant un terme à la course. 

Et le perdant fut Serge.
(Ou, pour LePaf et fils, le moustachu, réduit à Moustache par MaPrincesse, précoce amatrice de synecdoques.)

Raclements de gorge, époussetage du tweed à gros chevron couvert ça et là par la poussière de cave remuée par tous ces efforts et long grattage des pièces aux coudes, le temps de réunir un peu de contenance.

Enfin, le courageux soldat, sous-chef d’une équipe dont le nom seul fait se secouer de frousse tous les bretonnants tièdes à l’ouest de la Sèvre Nantaise, consent à prendre la parole devant trois enfants rieurs et leur père qui, malgré le récent spectacle, ne serait pas contre le soutien d’une cellule d’assistance psychologique là maintenant tout de suite.

« Mes chers enfants,
Monsieur,
Je me mets à votre place, vous devez vous demander ce que vous faites là.
Disons que nous avons perdu quelque chose de très important et, je suis désolé pour vous, mais vous êtes ce qui nous a semblé, comment dirais-je, le plus susceptible de le remplacer.

Enfin pas vraiment.

Disons plutôt que, dans notre lutte à laquelle je suis sûr vous êtes sensibles, il y a des besoins, financiers par exemple, qui nous obligent à faire des choses qui ne nous plaisent pas vraiment mais, quand la cause est juste, hein ?
Enfin, vous voyez ce que je veux dire.

Voilà…

Bon, et sinon, Yvon, il vous a dit quoi ?
Il vous a parlé de nous ?
Il a ?...
Il aurait laissé des objets qu’il aurait fallu remettre à des gens, comme nous ?

Non ?...
Non, c’est bien ça.

Alors voilà ce qu’on va faire.
Pour l’instant, vous allez rester ici et on partira demain matin.
Tous ensembles.
Non, vous ne pouvez pas partir maintenant, désolé, je sais bien que c’est embêtant, mais vous savez, la cause… Enfin vous comprenez, quoi.

Donc demain, on va voir des gens qui s’occuperont de vous.
Je veux dire… Ne vous inquiétez pas je suis certain que tout va bien se passer, ce sont des gens… Des gens… Des gens d’honneurs.
C’est ça, d’honneur.
C’est très important pour eux.
Alors il ne faut pas s’inquiéter, ça ne sert à rien.

Et donc… et bien…
À plus tard. »

Départ groupé et têtes basses se relevant brusquement par instant pour adresser des sourires un peu trop larges à la famille de détenus jusqu’à atteindre la porte de la cave.
Derrière celle-ci, aussi délicatement refermée que si les otages avaient été des nourrissons endormis, s’entendent aussitôt chuchotements, soupir, claquement sourds de paumes sur le front.
Eventail peu sonore des disputes feutrées.

Silence en haut.
On ouvre à nouveau.

On envoie Erwan en délégation, surveillée de plus haut par trois têtes penchées et tout aussi fixement souriantes que lors de la montée.

Erwan croise, décroise ses bras devant, derrière, avec les claquements des larges manches de sa veste chinoise.

« Alors voilà.
Je crois que vous n’avez pas mangé depuis longtemps.
Il se trouve que nous non plus.
Donc, si voulez monter, on va dîner.
Et puis pensez à prendre quelques affaires propres, je crois qu’il en reste dans vos sacs.
On comptait lancer une machine de toutes manières.
Il y a ici un lave-linge séchant.
Ah et aussi, avant de monter, voici. »

Là descendent de bras en bras en une chaine bretonne matelas pneumatiques roulés en boule, minces matelas de gymnastiques, duvets en tissus à motifs écossais et couvertures orange et marron, hérissées de peluches et de poussières qui, toute délicate que soit l’attention, risquent de ne pas faciliter l’élimination des rougeurs présentes en nombre dans les yeux de MaPrincesse depuis son réveil.

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