mercredi 28 novembre 2012

Roux de pelage abondant et d’une diction suffisamment peu articulée pour qu’un peu de frimas et de mauvaise humeur ne la transforme en grognements.
LePaf est un ours.

Le contact n’est pas le fort de l’ours.

Pas que je n’aime pas les gens, mais les rencontres c’est difficile.
Il y a tout un tas de petits rituels ennuyeux avant de rentrer dans le gras de la conversation à tailler.

Des rituels compliqués.
Sourire trop ou pas assez.
Ne pas rire à la petite blague ou trop fort à ce qui n’en était pas une.
Être trop proche et taper sur l’épaule du père distant aux tempes, costume et cravate gris.
Faire dans l’excès de froideur face à la mère chaleureuse, toute en paroles et facilement tactile.

Pullulent les risques d’impair.
La sociabilisation, art difficile et examen permanent pour UnPaf inhibé par l’enjeu et plus proche du radiateur que des places d’honneur.

 Tandis que devant les  grilles de l’école certains adultes causent, plaisantent, se claquent deux ou quatre bises, LePaf, les mains serrées sur ses enfants, se pose mille question sur quoi faire de sa peau qu’il habille d’un demi sourire crispé.

Comment font-ils pour être aussi à l’aise ?

J’ai pensé un jour faire l’acquisition d’une méthode.
Et peut-être, habitué à ne voir une grande partie de la vie que passée par le filtre du papier imprimé, aurais-je pu faire mes gammes dans le très célèbre ouvrage de Dale Carnegie : Comment se faire des amis, ce best seller plus que septuagénaire, premier d’une série de livres pratiques qui se font de plus en plus d’espace sur les étals des libraires.

Mais j’ai opté pour les cours particuliers.

Trois professeurs m’accompagnent à l’école.
Tirant sur mes bras, hélant tel ou tel, à l’école, sur le trajet, dans les rues, les commerces, ils me forcent à pratiquer ce genre d’échange qu’on appelle discussion plusieurs fois par jour.

Tout cela ne m’a pas transformé  mais, coaché par ma marmaille braillante et à force de pratique je crois que je progresse.

Ses enfants finiront peut-être par faire quelque chose DuPaf.



mercredi 7 novembre 2012

Haussements d’épaule à s’en brutaliser les oreilles, soupirs en long dégonflement : MonAîné ventile ses humeurs noires dans la voiture.

LePaf s’en serait exaspéré dès les premiers kilomètres, mettant en danger passagers et usagers de la départementale.

Heureusement, les choses de la route sont l’affaire de ChèreEpouse.
Mes enfants vous le diraient, la conduite, c’est un truc de filles.
Un peu comme la scie sauteuse, les voyages d’affaire ou le montage de meuble.
Porter des bagues, passer l’aspirateur et faire la cuisine en tablier, voilà des occupations d’homme.

Mais revenons à la grogne.

MesAîné&Terrible reviennent d’une piscine municipale où de dévoués mais rémunérés maitres nageurs ont tenté d’inculquer les rudiments de la brasse académique à des enfants plus portés sur les plongeons en bombe.
La séance fut laborieuse mais ne peut pas être mise en cause dans la rogne de MonAiné.
Les répétitions d’ordres, les « allonge ton corps », « tu as entendu ce que je viens de dire ? », etc. glissent sur lui d’ordinaire et c’est plutôt ceux qui les prononcent qui tendent à devenir chèvre.

L’agacement est venu parce que, du plongeoir au saut de l’ange la conversation des garçons a dérivé jusqu’à ce qu’il soit question de religion.
Et le sujet l’énerve.
Depuis bien longtemps.
Avant même que le Père-Noël ne vienne, par son inexistence, briser les premières illusions enfantines.

Tout ne le dérange pas.
Les Grecs et leurs histoires d’Olympe, de Styx, c’est sur le bout des doigts qu’il les connait et  les récite sans même qu’on ne les lui les réclame.
Généalogie, noms grecs et romains, rien n’est omis dans son flot ; une vraie bête à concours.

Les signes dits ostensibles l’indiffèrent.
Enfant d’un arrondissement où les trois monothéistes s’expriment dans une relative égalité si on en croit les menus de la cantine, il ne voit pas de raison de s’étonner du foulard de la mère d’untel, de la robe du monsieur en sandales ou bien des branches de palmier, saule, myrte et cédrat que nos voisins de quartier tenaient récemment dans leurs bras.

Ce qui l’horripile, c’est le discours.
Qu’on lui présente la hiérarchie Créateur-créés comme aussi réelle que le pied de table sur lequel son père se pulvérise la structure osseuse du petit orteil chaque matin que Dieu, ou je ne sais quoi, fait, le rend fumasse et le remplit d’intolérance agressive.
Cela, pour peu que notre petite famille soit invitée à l’une de ces cérémonies confessionnelles qui rythment la vie de beaucoup, peut devenir fort embarrassant et vous contraindre à bâillonner le moutard pour lui expliquer qu’il est parfois de bon ton de faire dans la rétention d’opinions.

Dans les odeurs de chlore mêlées de relents peu agréables qu’ont laissés sur la banquette arrière quelques maux de transport enfantins mal contrôlés, c’est MonTerrible qui jouait ce jour-là le rôle du prêcheur. Vantant les anges, le paradis, les béatitudes et toutes ces sortes de célestes joyeusetés.

« Débile », « n’importe-quoi », « andouille » lui répond MonTerrible les maxillaires crispés.

MonTerrible ne s’émeut pas des aboiements fraternels.
Avec la vivacité du Parisien voyant une place assise se libérer dans la ligne 12 il enchaine :

Puisque MonFrère ne veut pas de religion, moi, j’ai le droit d’en prendre deux, non ?
Alors, moi, je pense que je suis protestant et catholique.
Protestant parce que je proteste beaucoup.
Et catholique parce que je mange du porc.