vendredi 22 avril 2011

Les mots DuPaf ont souvent des problèmes à arriver à destination.
Précisons : pas ceux écrits ici qui rencontrent un modeste mais précieux écho.
Ce sont les mots  prononcés par LePaf qui sont rarement compris par les personnes alentour.
Il faut dire qu’il y a toujours dans la diction DuPaf quelques défauts qui ne sont pas pour faciliter la communication.
D’abord ne sortent de ma glotte que des sons sourds. A l’exception toutefois des intonations de faussets que seuls les enfants associés à une grande usure nerveuse arrivent à provoquer.
Ensuite, de mes (pas si lointains) ancêtres ruraux j’ai gardé une manière d’inarticulation mâchonnée, comme sortie d’une bouche en partie scellée par une gitane maïs.
D’assez mauvaises dispositions, donc.
Mais l’inquiétant est que ça se dégrade.
A l’époque où une activité salariée m’obligeait  à régulièrement soutenir des conversations d’adultes (rarement passionnantes, mais c’est un autre problème) je restais à peu près audible, mais depuis qu’à l’exception de quelques formules de politesse, je ne parle plus qu’à ma maisonnée, mêmes les habitués sont obligés de me faire répéter plusieurs fois.
Ajouter à cela la mauvaise influence qu’exercent mes enfants car je sens bien que mes phrases se ressentent du babil (charmant, mais c’est un autre problème) de MaPrincesse.
Et j’en viens à craindre que la bouillie de plus en plus épaisse qui sort de ma bouche en vienne à former un mur épais qui de plus en plus me séparera du monde.
Sans compter que mon autorité, déjà bien faible, risque d’en pâtir.
LePaf se devait de réagir et le voilà qui depuis peu s’applique à d’astreignants exercices de diction devant son miroir.
Par exemple des A, E, I, O, U déclamés sur tous les tons en étirant ses mâchoires.
Mais peut-être aurait-il été préférable que les enfants n’y assistent pas.
Depuis, en plus d’un regard bizarre et un peu gêné, les voilà qui se mettent à fuir ma conversation.
Ah, la fatalité du destin qui fond d’autant plus vite sur vous que vous cherchez à l’éviter.
Par pitié ne me laissez pas comme ça, faites-moi parler.




LePaf pratique :
La méthode Démosthène n’est ni la plus recommandée (des cailloux dans la bouche c’est bien désagréable d’une hygiène douteuse) ni la plus efficace.

vendredi 15 avril 2011

Cher nouveau voisin,
Tout d’abord permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue dans notre immeuble.
Oui, je sais, vous n’êtes là que depuis quelques heures et vous trouverez sans doute  que cette lettre arrive bien tôt.
C’est que nous somme comme ça ici, cet immeuble est un peu comme une grande famille et vos cartons à peine franchis la porte vous êtes désormais des nôtres.
Et c’est d’ailleurs dans cet esprit de solidarité que je me permets de vous délivrer un conseil qui sera pour vous l’occasion d’économiser quelques précieux sous.
Les abonnements téléphoniques ayant beau se concurrencer pour vous offrir des communications de moins en moins chères, il n’est  tout de même jamais inutile de s’épargner des appels inutiles.

Ainsi, inutile de vous infliger de longues musiques d’attente en essayant de joindre l’inspection du travail. Les bruits réguliers que vous entendrez et qui risquent, j’en suis navré, de faire tomber quelques morceaux du plâtre de votre plafond dans votre assiette de soupe, ne proviennent pas d’un atelier clandestin pas plus que de la mise en œuvre de gros travaux aux heures où les ouvriers débauchent, mais du pas de MonAiné, MonTerrible et MaPrincesse qui jouissent de ce pouvoir bizarre de faire trois ou quatre fois leur poids lorsqu’ils courent talons en avant dans le couloir.

Il n’est pas davantage nécessaire de joindre la SPA pour leur signaler l’existence d’une ménagerie illicite sur votre tête. Les divers cris qui arrivent brutalement à vos oreilles et qui tiennent du gibbon hurleur mâtiné de grues du japon passées au haut parleur viennent eux aussi des bambins suscités. Je devine votre étonnement et, moi non plus je ne m’explique pas que d’aussi petites cages thoraciques puissent contenir d’aussi gros poumons.

Enfin, ne prenez pas la peine de composer le numéro de l’assistance sociale par crainte d’une maltraitance d’enfants, la fureur adulte qui participe à la vibration des murs ne s’accompagne d’aucuns acte de torture et n’est que la manifestation d’une vaine tentative de maintenir l’ordre dans cet enfer.
De toute manière les services en question ne se déplacent plus ici, votre voisin d’en face monsieur Orgedur les ayant contactés à de trop nombreuses occasions. (Non, vous n’avez pas croisé monsieur Orgedur il est actuellement en maison de repos pour, disons, des soucis de surmenage).

Voilà, permettez-moi pour conclure cette lettre de vous renouveler, cher voisin, mes très enthousiastes souhaits de bienvenue ainsi que, préventivement, d’y ajouter mes excuses les plus plates.
Votre bien dévoué,
Monsieur LePaf.




LePaf pratique :
PS : 

vendredi 8 avril 2011

Sous les airs placides DuPaf doux,  aimant et patient (enfin, tentant de l’être) se cache un penseur intrépide qui ne se laisse pas berner par les entourloupes de l’opinion majoritaire.
Devant vous un homme qui n’hésite pas à briser les mythes les plus tenaces à coups de marteau.
Prenez celui de l’enfance. Quelles sont les premières images qui viennent l’esprit ?
L’innocence, la spontanéité, l’insouciance ?
Une sorte d’état de grâce que la société corrompra par la suite.
Billevesée, bla-bla, bullshit et compagnie, oui !
Croyez-en mon expérience, s’il y a une figure qui se rapproche plus des enfants c’est le petit bourgeois rond de cuir étriqué et conformiste
 Celui qu’on représente volontiers ventru, portant moustache et calvitie plus ou moins camouflée d’une longue mèche.
Qu’on en juge.

Intolérance :
« Maman, elle est bizarre la madame, j’ai pas envie de m’asseoir à côté d’elle. »
« Mais papa, tu ne peux pas aller à l’école habillé comme ça, tout le monde va se moquer de moi. »

Sens de la propriété extrêmement poussé :
« Mais il n’est pas à toi ce [mettez ici ce que vous voulez : jouet, livre, pyjama, gâteau déjà partiellement mâché] ! Rends le moi tout de suite ! Mamaaaaaaaaaan !!! »

Tyrannie de l’habitude poussée jusqu’à la psychorigidité :
« Mais tu ne peux pas manger ici papa, c’est la place de maman. »
« C’est nul. Maman elle ne les met pas comme ça les quartiers de pomme dans l’assiette. »

Penchants conservateurs :
« Papa, je préfèrerais que ce soit toi qui ailles au travail et maman qui reste à la maison avec nous. »

Goût prononcé pour la dénonciation :
« J’vais l’dire ! »

Et bien moi aussi je vais vous dire : en fait les enfants sont des vieux.
LePaf le sait, lui qui l’a toujours été.
Vieux.




LePaf pratique :
De tous ces vilains penchants naissent facilement des conflits.

vendredi 1 avril 2011

LePaf est peut-être bon public mais parfois ses enfants l’impressionnent.
Je sais, il est toujours tentant d’exagérer les prouesses de sa progéniture et on trouvera plus d’un exemple de parents persuadés que leurs rejetons ne demanderaient qu’à établir de nouveaux records aux tests de QI ; que si ce n’est pas le cas c’est que le test est mal fait, et que mon enfant mérite de toute manière un traitement particulier car nous voyons  déjà chez lui les premières lueurs d’un phare qui éclairera le monde et ne prenez pas cet air hautain avec moi, je connais mon enfant tout de même !
Bref, LePaf a pour principe de ne pas s’emballer de la sorte.

Mais, récemment, MonAiné a su bousculer ces réserves.
Un de ces matins d’école durant lesquels les enfants ont la langue aussi pendue que l’esprit des parents est lent, le voilà qui commence à me parler d’astronomie, sa dernière marotte.

Un petit aphorisme bien senti pour commencer :
« Papa !.. Imagine si la terre n’était pas ronde mais carrée… l’atmosphère s’appellerait l’atmocube ! »
Rien de plus qu’un mot d’enfant charmant vous me direz, mais attendez, il ne faisait que s’échauffer, car deux bouchées de céréales plus tard :
 - Papa !..  J’aimerais bien avoir une chambre tellement grande qu’on pourrait faire rentrer tout l’espace dedans.
- Ah ah, mais petit malin mais ce n’est pas possible enfin. Pour que la chambre puisse contenir tout l’espace, il faudrait qu’elle soit plus grande que lui. Pas de place pour l’espace plus ta chambre enfin.
- Ben… si.
- Comment ça « si » ?
- Ben l’espace c’est infini, non ?
- Euh, oui. Enfin je crois.
- Comme l’infini c’est le fait qu’il y a toujours un nombre après le dernier, donc qu’l ya toujours une place en plus, une chambre plus grande que l’infini, dans l’infini, et bien c’est possible.
- …

 Passé un hébétement qui aura bien duré cinq ou six cuillerées de céréales, LePaf d’un coup se précipite sur son ordinateur et se met à chercher fébrilement le n° de téléphone d’Hubert Reeves , Jean-Pierre Luminet ou autre grand savant pour les prévenir que le futur de l’astronomie se trouve chez lui.
C’est alors que MonAiné pouffe.
Le combiné entre épaule et oreille je m’approche du divin enfant prêt à recevoir  ses nouvelles lumières.
- Qu’est ce qui te fait rire mon enfant ?
- Je repensais à  Titeuf, là. Quand il voit son copain et qu’il lui dit poil aux fesses. Trop drôle !
- Allo, M. Reeves ?
Non non, oubliez, finalement, rien…




LePaf pratique :
Comme je ne trouve rien de mieux à faire que vouloir infliger à mes gamins une enfance similaire à la mienne, je leur impose les dessins animés que je regardais enfant. Pour l’instant, ils sont encore assez clients.